Dans une interview à Libération, Marcus Brauchli, directeur de la rédaction du Washington Post, le journal de Bob Woodward and Carl Bernstein !, explique “comment il s’ingénie pour adapter cette vieille maison à l’ère de l’Internet et des réseaux sociaux”.
Très intéressant de pouvoir avoir une vision de quelqu’un du sérail qui essaie des choses dans le nouveau monde. A mettre cependant en balance les difficultés du quotidien, comme nous le rappelle LaPresse.ca, avec un bénéfice annuel en chute de 58% à 116,2 millions et des recettes publicitaires en baisse que ce soit le papier (-11%) ou internet (-8%), et un 5e plan de départ en 10 ans.
De cette interview je retiens que la technologie n’est ni un bien, ni un mal, mais un changement auquel il est simplement indispensable de s’adapter. Un ennemi. Une opportunité.
Chaque nouvelle technologie a changé le journalisme.
Penser l’avenir avec les armes du passé
Marcus Brauchli est clair. La difficulté de se sortir du mode de pensée dans lequel on a l’habitude d’évoluer, qui a fait notre force et qui a forgé nos habitudes est immense. A une époque, une stratégie a été servie par des moyens technologiques appropriés.
Une des ironies de notre métier est que nous pensons encore beaucoup selon le moule du journal imprimé. Jusqu’à tout récemment encore, la structure de notre rédaction et de notre site internet était dictée par notre rotative Mitsubishi, qui permet d’imprimer chaque jour cinq cahiers différents.
Sur notre site internet, nous avons eu d’abord tendance à reproduire cette structure. Ce qui est dingue, au fond ! C’est pour cela que je viens de réorganiser notre rédaction, en nommant un rédacteur en chef chargé de l’audience locale et un autre chargé de l’audience nationale et internationale. Le critère n’est plus le produit journalistique que nous offrons, mais le public à qui nous nous adressons.
La stratégie a changé, mais elle est toujours supportée par l’ancienne technologie. Changer de point de vue est indispensable. Passer ici du produit au public.
Un journal au delà de ses propres frontières.
85 à 90% de notre public internet ne vit pas à Washington, et cette audience est en forte croissance.
Internet peut tuer un journal local. Il donne aux lecteurs du Washington Post le pouvoir de lire les journaux du monde entier. Dans l’immense et finie capacité de lecture du lecteur, la part du WP est automatiquement réduite. Plus de lecteurs vont moins le lire. La concurrence m’a tuer.
Internet peut sauver un journal local. Il donne aux lecteurs du monde entier le pouvoir de lire le Washington Post. Dans l’immense et finie capacité de lecture du lecteur, la part du WP, à présent accessible, est potentiellement augmentée. Plus de lecteurs vont plus le lire. La concurrence m’a sauver.
Le lecteur au centre
moins d’un tiers de nos lecteurs en ligne entrent sur le site par notre page d’accueil.
nous mettons déjà nos produits journalistiques sur Twitter ou Facebook [...] pour que les gens nous trouvent là où ils sont.
Nous devons aller vers les gens, nous placer au cœur de leurs conversations.
Clair. C’est un énorme apport d’internet. Avoir mis les conversations dans l’espace public et rendu facile le partage d’information. Ce n’est pas nouveau. C’était possible avant. Maintenant c’est simplement simple.
Alors il faut aller dans cet espace public. Là où se trouve les lecteurs. Ses lecteurs. Ses futurs lecteurs. Pour les écouter. Pour les connaitre. Pour les comprendre. Pour faire du business.