Le livre s’est fait digitalisé. Il a été arraché à son papier et à son codex protecteur. Il erre sans but dans le même espace brumeux que le disque ou le film. Devenu un contenu digital comme les autres, il passe maintenant beaucoup mieux dans les tuyaux de la distribution numérique. Il est à présent un parmi les autres.
Du droit de lire à la location
Si on peut louer un film, on doit pouvoir louer un livre. Si on peut streamer un film, on doit pouvoir streamer un livre. Et hop! s’est dit Amazon, spécialiste de la vente de livres en tout genre, qui s’inspire de Netflix, spécialiste de la location physique ou streaming de films (Why the idea of a Netflix for e-books makes sense)
Cette évolution d’Amazon était prévisible. Amazon le grand spécialiste de l’e-book. Il les vend. Il permet de les lire sur son propre terminal, le Kindle. Il a compris depuis longtemps ce qu’il peut faire avec.
J’avais parlé l’été 2009 (Le “cas Kindle” d’Amazon signe-t-il l’acte de naissance du contenu numérique ?) de ses nouvelles possibilités suite à la suppression de livres par Amazon. Je l’avais décrit comme la naissance publique du livre numérique.
“Les clients pensent également avoir acheté un livre “électronique”, en tous points similaire à un livre “papier”. En réalité, ils n’ont acquis qu’un droit de lecture sur ce contenu ; le contrat Amazon sur l’utilisation des contenus numériques précise bien en effet que la licence confère “un droit non-exclusif de conservation [sur ce type d'appareil] d’une copie pour usage individuel [lecture, affichage, visualisation] à but non commercial”.”
Non, Amazon ne vous vend pas un livre mais le droit de le lire… Du droit de lire à la location, il n’y avait qu’un pas… franchi.
Transformation
Cette convergence des usages, des modèles et techniques du fait de la digitalisation des contenus et des tuyaux est la première étape de la transformation. La location est un exemple. Mais il y en aura d’autres.
“L’analogie du secteur de l’édition ou de la presse avec les autres filières média (musique, vidéo…) montre que la lecture en ligne (ou “streaming”) doit être possible. Ainsi, à l’image des DVDs, on pourra disposer de plusieurs variantes du texte (version courte, director’s cut…), des commentaires de l’auteur ou de l’éditeur, de son père, de l’acteur qui joue le rôle dans l’adaptation au cinéma du film tiré du livre, etc. Une fois cette révolution des techniques et des usages accomplie, alors le livre constituera un véritable contenu numérique…”
Mais nous ne sommes pas en train de voir le livre se digitaliser pour simplement reproduire le livre papier. Sinon Frédéric Beigbeder ne parlerait pas d’Apocalypse….
“Part of me was afraid of what I would find and what I would do when I got there. I knew the risks, or imagined I knew. But the thing I felt the most, much stronger than fear, was the desire to confront him.” Willard – Apocalyse Now
Nous sommes en train de voir le livre changer de manière radicale. Qui dit nouveaux moyens techniques et nouveaux usages, dit nouvelles formes et nouvelles créations.
La prochaine étape sera faite par les artistes. Ils sont en train de découvrir cette nouvelle matière, ces nouveaux moyens. Une fois qu’ils l’auront pris en main et qu’ils maîtriseront cette matière, ils nous feront découvrir un monde nouveau. Ils ouvriront le champ des possibles. Le transmedia en est un exemple précurseur.
Il restera quoi?
Si le livre tel que Beigbeder le vénère disparait, que restera-t-il? Les auteurs, les lecteurs et le plaisir de lire !
Alors nous devons faire attention que les créateurs créent et vivent de leur art. Alors nous devons faire attention que les consommateurs aient toujours accès à la connaissance, à la culture, au divertissement et surtout au plaisir.
Parce que si un monde s’éteint, c’est qu’un autre est en train de naitre :
“Grâce à des mecs comme toi, j’ai découvert un autre univers, pareil et pas pareil.
Grâce à des mecs comme toi j’ai rencontré de nouveaux auteurs, des bons, des qui font vibrer et qui bouleversent, des qui font voyager, des qui remuent et pas que le net…
Grâce à des mecs comme toi j’ai fréquenté des auteurs VIVANTS.
Grâce à des mecs comme toi j’ai pu communiquer avec ces auteurs, échanger avec eux… Combien de lecteurs “papier” ont cette chance ? Trop peu.
Grâce à des mecs comme toi, cet été, mon sac était tout léger, des livres dans mon téléphone…
Grâce à des mecs comme toi je n’attends plus jamais, dans la salle d’attente, dans les transports, parfois même dans la queue au supermarché, je m’adonne librement à mon vice préféré.
Grâce à des mecs à toi, j’ai pu m’offrir des livres épuisés, grâce à des mecs comme toi j’ai pu lire encore plus, encore mieux aussi.
Grâce à des mecs comme toi, j’ai pu lire “à l’oeil”, pour le plaisir.
Grâce à des mecs comme toi, j’ai redécouverts les “anciens”, ceux qu’on n’édite plus.
Grâce à des mecs comme toi, j’ai fréquenté des inédits aussi.
Je suis une amoureuse du livre papier, c’est vrai, j’aime son odeur et sa texture, j’aime le toucher le respirer mais lire avant tout. LIRE !
Grâce à un mec comme toi, mon univers s’est agrandi. Il est beau cet univers. Je l’aime.
Merci infiniment.”
Un plaidoyer vibrant pour le livre, le digital et surtout le plaisir de lire par @ImpossibleNaoko sur un billet de @fbon http://j.mp/ozUE1S