Dans ce monde en évolution si effrénée que la mode féminine a l’air un peu figée au botox, on oublie vite ce qui s’est passé hier.
Une personne, que nous appellerons simplement Charles pour faciliter le propos, m’expliquait que les échanges sur les réseaux sociaux n’étaient que du vent, et il a même osé dire qu’ils étaient virtuels. Il soulignait comme beaucoup que la présence est indispensable à l’échange véritable et allait en déduire que les réseaux sociaux allaient rapidement disparaitre si la serveuse ne l’avait pas coupé en lui apportant son osso-buco.
En gros, est-ce qu’une discussion est meilleure autour d’un verre? Oui. Est-ce qu’une discussion est meilleure sans le verre? Certainement pas. Mais est-ce qu’un peu de discussion est moins bon que pas de discussion du tout? Non. Aujourd’hui j’échange avec des personnes grâce aux réseaux sociaux. Sans eux, il n’y aurait pas un échange meilleur, il n’y aurait pas d’échange du tout. Et si Charles me dit que les gens ne racontent que des futilités, je me permettrais de lui rappeler celles échangées pendant les cinq heures de son dernier repas familial et de Noël… si si Charles, le débat ne s’est pas élevé du tout, mais ce n’est pas ce qu’on lui demandait.
Et je me suis demandé ce qu’il y avait avant les réseaux sociaux…
Il y avait le téléphone.
Il faudrait chercher un peu, mais je pense que le grand-père de Charles, que nous appellerons Isidore même si ce ne sera pas très utile ici, devait expliquer qu’une discussion au téléphone n’était que du vent. Je doute qu’il ait dit virtuel, mais il l’a certainement pensé très fort. C’est sur que c’est moins complet sans l’image. Mais le téléphone existe un tout petit peu encore aujourd’hui. Il a permis des échanges internationaux, certes moins complets, mais qui n’auraient pas eu lieu sans lui. Il a permis aussi au petit Henri, fils d’Isidore et futur père de Charles, dont les parents avaient enfin installé le téléphone, de discuter pour la première fois avec la petite Huguette, charmante brune à la peau si douce, qu’il ne voyait sinon qu’une fois par an, l’été, chez sa grand-mère. C’est pas mal, hein? Non, ce n’est pas la mère de Charles…
Il y avait le courrier.
Pas d’image. Mais pas de son non plus. Et pourtant il y a eu quelques échanges majeurs. Certains en ont même fait des livres. Je ne pense pas que les lettres de ce cher Gustave à Aurore, qui aimait à se faire appeler Georges, puissent être traitées de sous-discussions, de vent, voir de virtuelles, sinon la Pléiade, à qui ont peut tout juste reprocher l’utilisation intensive du papier bible pour publier les œuvres d’écrivains morts, ne les auraient pas mis au même niveau qu’André Malraux et Marguerite Yourcenar.
En résumé, ce n’est pas parce que ça va vite et qu’on ne comprend rien aux réseaux sociaux, qu’il faut tout mettre à la poubelle. Ah! L’élastique tendu de l’ordre établi et du c’était mieux avant, nous maintient souvent avec notre bénédiction dans notre zone de confort. Celle où l’on maitrise les choses, comme … le téléphone et le courrier.