Je viens d’acheter le livre “Read/Write Book le livre inscriptible“, édité chez Cléo. Je l’ai acheté sur le site librairie.immateriel.fr dans un format PDF. C’est un très bel ensemble de textes sur l’avenir du livre et ses nouvelles formes.
J’ai trouvé dans les premiers textes que j’ai lus des points de vue très intéressants, qui permettent de voir de manière nouvelle l’avenir du livre. Nous sommes loin des discours larmoyants sur la fin de cette industrie. Je vous les conseille vivement.
Mais malgré ces nouveautés, j’ai eu le sentiment d’une résistance de pensée à l’évolution des choses. Tout tourne autour du livre papier. Non pas que l’on ne parle que de lui, mais parce qu’il est présent en référence permanente, en filigrane, peut-être inconsciemment, mais bien là, trahissant des centaines d’années d’hégémonie du papier qui ont déformé la pensée.
De mon point de vue, le livre n’est ni “numérique”, ni “numérisé”, pour reprendre les termes du texte d’Alain Pierrot et Jean Sarzana. Je ne me pose pas la question s’il doit être lu sur un écran, stocké sur un cd-rom ou autre.
Tout contenu est “vu” / “consommé” sur un support. Le contenu sur son support est une instanciation, une variation, une interprétation ou une déformation du contenu. J’ai la vision d’un créateur qui utilise certains moyens à sa disposition pour réaliser une œuvre.
Les supports proposent des moyens et ainsi des limites.
Le support papier permet le texte et l’image.
Le support vidéo permet le texte, l’image, le son et la vidéo.
Le support radio permet le son.
Le support cdrom permet le texte, l’image, la vidéo, le son, et l’interaction.
Le support web rajoute au précédent l’interaction entre contenus et entre personnes.
Le support théâtre rajoute à la vidéo quelque chose de vivant.
etc…
De ces moyens, on en déduit que le livre sur du papier est une instanciation limitée d’un contenu. Limitée au texte et aux images. Pas de vidéo. Pas de son. Le livre sur un cdrom est une instanciation limitée d’un contenu. Limitée au texte, aux images, à la vidéo et au son. Mais pas d’interaction sociale avec d’autres lecteurs.
Si le créateur choisit seulement du texte et des images, cela conviendra parfaitement au format livre papier. Mais rien n’empêche de le voir sur un écran d’ordinateur, un téléphone ou un ipad. Par contre s’il a choisit en plus du texte et des images, de mettre une vidéo, le format papier (texte et image) sera difficile. Il enlèverait la partie vidéo. Au créateur de décider s’il choisit de reconnaitre cette variation de son contenu ou de la refuser parce qu’elle dénature trop son oeuvre.
Il y a de nombreux exemples comme celui-ci. Quand je lis sur mon ipad le texte d’une pièce de théâtre de Molière, est-ce que je regarde la pièce de théâtre ou une variation sur un support de la pièce? Quand je regarde la même pièce filmée dans un théâtre sur mon ordinateur, est-ce que je regarde la pièce ou une variation sur un support?
Et plus simplement un même texte sous plusieurs éditions papier, est-ce le même texte? Est-ce le même contenu?
A vos crayons pour faire vos remarques depuis votre téléphone.
Je fais une précision sur mon acte d’achat. Les textes sont accessibles gratuitement sur le site de l’éditeur, qui propose une version au format papier et une version au format PDF/ePub. Je n’ai donc pas acheté le droit de lire les textes puisque Cléo me propose de le faire gratuitement. Je n’ai pas non plus acheté le papier et le travail de le mettre sur ce papier, puisque j’ai pris le format numérique. J’ai acheté un travail d’édition qui me plait, le fait d’avoir tous les textes d’un seul tenant, dans un fichier PDF général, le temps que je n’ai pas passé à le faire, ainsi que le soutien à un éditeur qui met à disposition des textes intéressants. Et puis j’ai trouvé que 6€ correspondait à la valeur que j’estime pour tout ce que je viens de décrire.